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  • LE TRAVAIL
    Toute société humaine est fondée sur un partage du travail entre ses différents membres. La nécessité du travail est pourtant vécue comme une malédiction pénible. N'est-il pas cependant une condition de l'accomplissement de l'humanité ? En outre, chacun produisant quelque chose de différent, comment mesurer la valeur relative des biens que l'on échange ?

    1. En quoi le travail est-il une nécessité ?

    L'étymologie même du mot « travail » renvoie à un instrument de torture ; Dieu condamne d'ailleurs Adam au travail, qui est le châtiment du péché originel. Le travail est donc une nécessité vitale à laquelle l'homme semble condamné car, contrairement aux animaux, il ne trouve pas dans la nature de quoi satisfaire immédiatement ses besoins : les vêtements ne se tissent pas tout seuls, la terre doit être cultivée.

    L'invention des machines ne résout pas le problème puisqu'il faut encore des hommes pour les concevoir et les réparer.

    2. Travailler est-il un obstacle à la liberté ?

    Si le travail est vécu comme une contrainte pénible, il n'en est pas moins le moyen par lequel l'homme s'affranchit de la nature et conquiert sa liberté et son humanité. C'est ce que montre Hegel : en m'apprenant à retarder le moment de la satisfaction de mes désirs, le travail m'oblige à me discipliner.

    Dans l'effort, l'homme se rend peu à peu maître de lui : il se libère ainsi de la nature en lui (les instincts) en transformant la nature hors de lui. Faire taire la tyrannie des instincts, n'est-ce pas là précisément être libre, n'est-ce pas là la marque propre de l'humanité ? Le travail est donc nécessaire en un second sens : sans lui, l'homme ne peut pas réaliser son humanité.

    3. La nécessité du travail n'est-elle qu'une contrainte ?

    Le travail ne doit pas être pensé dans l'horizon de la survie : par son travail, l'homme cultive et humanise la nature (Karl Marx) et se cultive lui-même.

    Tel est le sens de la dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel : le maître, c'est-à-dire celui qui jouit du travail d'autrui sans avoir rien à faire de ses dix doigts, est finalement le véritable esclave ; et l'esclave, qui apprend à se discipliner lui-même et acquiert patiemment un savoir-faire, devient maître de lui comme de la nature. Alors qu'il était une contrainte subie et la marque de l'esclavage, le travail devient moteur de notre libération.

    4. Le travail fonde-t-il la propriété ?

    Le champ appartient à celui qui l'a défriché et qui le laboure : c'est, selon John Locke, le fondement même de la société civile. Je possède ce que je travaille, sans avoir pour cela besoin du consentement des autres ; mais comme je ne peux pas tout travailler, ma propriété est naturellement limitée : le droit naturel répartit donc équitablement la propriété entre les hommes.

    Jean-Jacques Rousseau
    ajoute cependant que ce droit naturel n'est pas le droit positif : dans un corps social organisé, c'est la loi, et non le seul travail, qui fixe la propriété de chacun. Lorsqu'il passe de l'état de nature à l'état civil, l'homme abandonne le bien dont il jouissait seulement pour en être le premier occupant : désormais, n'est à moi que ce dont la loi me reconnaît légitime propriétaire. L'État doit-il alors simplement constater l'inégalité des richesses et de la propriété de chacun, ou doit-il chercher à les répartir entre ses membres ?

    5. L'organisation capitaliste du travail en change-t-elle le sens ?

    Marx montre comment le système capitaliste fait du propriétaire d'un bien non celui qui le travaille, mais celui qui en possède les moyens de production : c'est le capital qui est rémunéré, et non le travail, en sorte que les propriétaires n'ont pas besoin de travailler, et que les travailleurs ne peuvent devenir propriétaires.

    En dépossédant le travailleur de ses moyens de production et du produit de son travail, le capitalisme, au lieu d'en faire une activité libératrice et formatrice, a rendu le travail aliénant : dans « le travail aliéné » inauguré par la grande industrie et le salariat, non seulement l'ouvrier n'est pas maître de ce qu'il fait, mais encore sa force de travail est elle-même vendue et achetée comme une marchandise. Le travail devient donc aliéné en un double sens : d'abord parce que le travailleur le vend, et ensuite parce qu'en le vendant, il s'aliène lui-même.

    La citation
    « Le travail ne produit pas seulement des marchandises ; il se produit lui-même et produit l'ouvrier comme une marchandise. » (Karl Marx)

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